On en parle peu en France, mais elles roulent déjà aux Etats-Unis et en Chine.

La voiture autonome, alliée zélée de la transition énergétique ? Oui ! affirment les industriels du secteur. Car elle permet de fluidifier le trafic de trois manières : elle lisse la vitesse des véhicules, ce qui supprime nombre de freinages et de redémarrages, sources de surconsommation, et réduit les embouteillages ; elle emprunte des trajets optimisés et ne fait donc pas de kilomètres inutiles ; elle favorise par mimétisme une conduite cool de la part des autres conducteurs. Moroine Laoufi, directeur des projets de véhicules connectés chez Vinci Autoroutes, le résume simplement : "Il est impossible de bâtir sans cesse de nouvelles routes pour absorber l'accroissement du trafic. Une des solutions passe par l'utilisation de la connectivité et de l'automatisation des véhicules pour augmenter l'offre de mobilité."

À l'appui, cette étude israélienne : en introduisant 5 % de voitures sans chauffeur dans le trafic, on améliore de 20 % la fluidité de celui-ci. Chez Tesla, on va encore plus loin et on imagine un système de véhicule partagé, baptisé Cybercab. Le propriétaire de cette voiture autonome pourra la mettre au service d'autres usagers lorsqu'il ne s'en sert pas. C'est-à-dire 95 % du temps. Une sorte de Airbnb du quatre-roues. Quelques statistiques étonnantes : un automobiliste français consacrerait en moyenne deux mois et demi de son existence à la seule recherche d'une place de stationnement. Et 20 % du trafic en agglomération serait dû aux conducteurs qui tournent et retournent dans l'espoir de pouvoir enfin se garer. Un dirigeant français de Tesla nous a confié, sous le couvert de l'anonymat, comme il est d'usage dans cette firme : "En partageant les voitures, imaginez le nombre de kilomètres carrés que l'on pourrait récupérer et transformer en espaces verts ou en voies piétonnes."

Derrière ce lyrisme, un marché énorme se dessine. 300 à 400 milliards de dollars à l'échelle mondiale d'ici à 2035, selon le groupe McKinsey. Pour s'y tailler la part du lion, les géants de la tech investissent des sommes vertigineuses. Sur le ring, on trouve les américains Waymo (Alphabet), Cruise (General Motors), Zoox (Amazon) et Tesla. Côté chinois, voici Apollo (Baidu), DiDi, Pony.ai, WeRide et AutoX.

Et en Europe ? La réglementation est beaucoup plus restrictive et les constructeurs moins emballés. Luca de Meo, directeur de Renault, le confirme dans son Dictionnaire amoureux de l'automobile (Plon) qu'il a récemment publié : "Personnellement, je ne veux pas cacher mes doutes. Certes, il faut poursuivre les efforts afin d'atteindre cet idéal que représentent les voitures qui se conduisent toutes seules. [...] Mais je ne suis pas si sûr que l'on apporte une réponse à une question qui a vraiment été posée. Je ne pense pas que les gens s'ennuient à conduire." Luca de Meo dit tout haut ce que beaucoup de ses pairs pensent tout bas : tant que leur fiabilité ne sera pas garantie à 100 %, les véhicules autonomes ne pourront pas prétendre à une diffusion de masse. C'est injuste car, selon toutes les enquêtes, ils sont beaucoup plus sûrs et réduisent la fréquence des sinistres de presque 80 %. Mais il suffit de quelques accidents spectaculaires causés par des berlines Google ou Cruise pour alimenter la défiance à leur égard. La voiture autonome de Monsieur Tout-le-monde n'est donc pas pour demain. Le robot-taxi sans chauffeur, en revanche, c'est pour tout de suite. Il est moins complexe à mettre en œuvre car il évolue dans un périmètre défini et sur des trajets souvent identiques. L'intelligence artificielle a donc moins d'éléments à mémoriser.

Les expériences se multiplient à San Francisco, Phoenix, Atlanta... Mais c'est en Chine que le robot-taxi se développe le plus rapidement. Une invasion même, de Pékin à Guangzhou. Direction Wuhan, où Baidu, le Google chinois, fait déjà rouler 500 taxis du futur. Il y en aura 1 000 d'ici à la fin de l'année. Le trajet de 12 minutes coûte 10 yuans (1,30 euro). Baidu fait la promotion de son service en le subventionnant à hauteur de 60 %... On comprend la révolte des chauffeurs de taxi qui, une fois n'est pas coutume dans ce pays policier, ont manifesté contre la fin prévisible de leur métier. À moyen terme, le même sort attend leurs confrères du monde entier. D'autant que le robot-taxi ne va pas se cantonner aux centres-villes : il pourrait être très utile dans nos campagnes où la mobilité et l'accès aux transports deviennent un enjeu vital.

Chiffres clés :

Image créditée © Waymo