« Il y a quelques années, je ne connaissais rien à l'électricité, je ne savais pas faire la différence entre les piles AA et les énormes batteries lithium-ion », avouait récemment Mike Cannon-Brookes. Depuis, le milliardaire australien s'est bien rattrapé. Avec ses faux airs de Russell Crowe dans Master and Commander, il est aujourd'hui l'un des plus ardents pionniers de l'énergie verte et le héros de nombreux activistes écologistes. Son dernier fait d'armes : la mise sur orbite de la plus grande ferme photovoltaïque du monde, destinée à faire de l'Australie le leader mondial de l'énergie verte. Le projet, baptisé « SunCable », est pharaonique. 9 millions de panneaux solaires sur une superficie de 120 km², supérieure à celle de Paris (100 km²), et d'une capacité de 20 gigawatts (GW). De quoi alimenter 3 millions de foyers. Des batteries géantes pourront stocker 40 GW. Le site sera installé dans le désert du Territoire du Nord. De là, les électrons seront acheminés jusqu'au port de Darwin par une ligne à très haute tension de 750 kilomètres. Une partie devrait ensuite être exportée vers Singapour grâce à 4 300 kilomètres de câbles sous-marins, record mondial.

Un exploit de plus pour Mike Cannon-Brookes, 45 ans, ingénieur de formation qui, dès son adolescence, avait prévenu : « Je ne veux pas travailler en costard. » Ce qui ne l'a pas empêché de faire rapidement une immense fortune (11 milliards de dollars selon Forbes) grâce à sa société de gestion de logiciels Atlassian. Parmi ses clients : la Nasa, Netflix, Facebook, Twitter… « En tant que businessman », a-t-il déclaré un jour, « je n'ai pas le pouvoir de réparer le climat, mais j'en ai assez pour bousculer l'establishment afin d'y contribuer. » À plusieurs reprises, le milliardaire est entré dans le capital de sociétés jugées trop polluantes pour les contraindre à se verdir. Comme AGL Energy, premier fournisseur d'électricité d'Australie et plus gros émetteur de gaz à effet de serre du pays. Grâce à sa participation minoritaire, Mike Cannon-Brookes a obtenu le remplacement des anciens dirigeants par une nouvelle équipe favorable à l'éolien et au solaire. Il a aussi acheté, pour plusieurs centaines de millions de dollars, une myriade de terres agricoles pour les cultiver le plus « proprement » possible, et plusieurs îles pour qu'elles redeviennent le paradis tropical qu'elles étaient autrefois.

L'homme s'est ainsi forgé une image de Robin des Bois de l'environnement qui lui sera bien utile pour mener à terme le projet SunCable. Car il reste des autorisations administratives à débloquer et, surtout, des financements à boucler. Le montant total de l'investissement est en effet colossal, estimé à l'équivalent de 21 milliards d'euros. Le prix pour que l'Australie réalise un saut quantique et fasse oublier sa mauvaise réputation : elle est l'un des premiers exportateurs mondiaux de gaz naturel liquéfié, tandis que le charbon assure près de 50 % de sa production d'électricité.