« Maintenant qu'on sait, qu'est-ce qu'on fait ? » C'est avec cette question que Heïdi Sevestre aime conclure ses interventions pour lancer le débat. Au fil des années, la glaciologue a ajouté à ses nombreuses missions sur le terrain des heures de pédagogie via des conférences, des émissions, des interventions sur les réseaux sociaux. Les glaciers sont sa porte d'entrée pour expliquer en quoi le réchauffement climatique a des répercussions dangereuses. Leur fonte entraîne notamment une dramatique élévation du niveau de la mer et la dégradation des côtes. Mais la jeune femme n'est pas du genre à baisser les bras : « Notre rôle de scientifique, c'est aussi de raconter le changement climatique et ses conséquences pour motiver le passage à l'acte. » Et ça marche. « Partout, je rencontre des "warriors" du climat et de la biodiversité qui mettent des choses en place. Je vois les envies d'agir qui émergent ! »
Cet « enthousiasme de l'action », Heïdi Sevestre l'a obtenu cette année en parlant des glaciers tropicaux, qu'elle étudie. De tous, ce sont eux qui fondent le plus vite. Mais la science manque de données à leur sujet. Alors la glaciologue s'est rendue sur place l'été dernier, en Ouganda. Il ne reste que dix glaciers sur les trente du parc national des Rwenzori. En partenariat avec l'Unesco, l'Uganda Wildlife Authority et l'ONG Project Pressure, l'expédition à laquelle la Française a participé avait avant tout pour but de former les communautés locales à l'outil de suivi et de modélisation. Une sorte de développement durable de la science : « Le travail que nous avons fait là-bas est important pour la sensibilisation. »
On l'aura compris, la glaciologue ne dissocie pas son travail concret, celui de comprendre les conséquences du réchauffement sur les glaciers, de la nécessaire transmission de ce savoir. Elle a à cœur d'apporter son expertise vis-à-vis de la géoingénierie, par exemple, et de cette idée que nous pourrions déployer des technologies remarquables qui stopperaient la fuite en avant de notre climat. Un exemple étrange : construire des rideaux autour du Groenland pour le protéger des eaux chaudes qui font fondre sa glace. « La communauté scientifique doit évaluer ces programmes de façon indépendante, leur faisabilité technique et leurs impacts sur les écosystèmes, mais aussi leur éthique et leur gouvernance. Nous devons surveiller ces projets de géoingénierie pour imposer les garde-fous nécessaires. »
La jeune chercheuse fait clairement partie de ces personnalités qui donnent envie d'agir. Son discours sans langue de bois touche notamment la nouvelle génération : « Je crois qu'on a tous très peur. Mais arrêtons de nous "clasher". Nous sommes dans le même bateau. Essayons de nous écouter. De nous dire que nous avons entre nos mains les moyens de changer ce monde. Parce qu'une fois qu'on s'est lancés, on ne revient pas en arrière. On avance ensemble. À force de lien social, d'intelligence collective, de solutions locales. Et on a tout à y gagner. »
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