Selon le Syndicat du chocolat, chaque foyer français en grignote en moyenne 13 kg par an. Mais la production de cacao reste la troisième cause de déforestation au monde, après celle du soja et de l’huile de palme. L’Ademe, l’Agence française de la transition écologique, indique que l’empreinte carbone de 1 kg de chocolat est en moyenne de 13,7 kg d’équivalent CO₂ (5,94 pour un fromage comme le comté), et 70 % de ces émissions sont liées à la production de cacao. On peut encore signaler qu’une tablette de 200 g aura nécessité, grosso modo, 3 400 litres d’eau !

Prise de conscience

L’ONG Mighty Earth, qui a publié en 2018 un rapport retentissant intitulé « Chocolat : mensonges sous emballage », veut espérer. « Nous sommes encouragés par le fait que les grandes marques soutiennent l’action des gouvernements pour mettre fin à la déforestation. Elles consacrent du temps et de l’argent à la traçabilité. Mettent en œuvre les moyens de s’approvisionner en cacao sans déforestation », confie Amourlaye Touré, principal conseiller cacao de Mighty Earth.

En France, la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, adoptée en 2018, a été complétée en 2021 par le lancement de l’Initiative française pour un cacao durable (IFCD) avec trois objectifs : améliorer le revenu des producteurs, mettre fin aux approvisionnements issus de zones déforestées, lutter contre le travail forcé et celui des enfants. L’Union européenne a également mis en place un nouveau règlement contre la déforestation importée, entré en vigueur en juin 2023.

Mettre une croix sur notre antidépresseur favori ?

Vous n’y pensez pas ! « Nous ne demandons pas aux gens d’arrêter de manger du chocolat, mais les consommateurs peuvent choisir d’éviter les fabricants qui persistent à ne pas s’attaquer à ces problèmes », enjoint Amourlaye Touré. En se référant, par exemple, aux infos données par chocolatescorecard.com, un excellent site qui aide à faire des choix éclairés.

À quels labels se fier

Outre ceux du commerce équitable comme Fairtrade/Max Havelaar et de l’agriculture biologique (AB), quelques-uns sont spécifiquement environment friendly, comme FSC, ONG qui promeut une gestion écologique, sociale et économique des forêts, et UTZ/Rainforest Alliance.

Le chocolat le plus écolo de l’Hexagone

Publié en avril 2024, la 5ᵉ édition du « Tableau de bord du chocolat » est un précieux outil qui décortique les pratiques des plus grands acteurs mondiaux. Dans son classement, le français Cémoi figure en 4ᵉ position sur 38. Le groupe (2 200 salariés en France, 9 unités de production et 200 000 tonnes par an) s’approvisionne directement auprès des planteurs pour sélectionner lui-même les fèves. Il s’engage à atteindre 100 % d’agroforesterie en Côte d’Ivoire d’ici à 2030 et revendique 100 % de traçabilité au niveau de la parcelle pour toutes les fèves de cacao, le beurre et les autres produits semi-finis. « Le devoir de vigilance est une responsabilité collective qui nous concerne tous au sein de la filière cacao, des producteurs aux distributeurs », plaide Othilie Vian, responsable RSE du groupe Cémoi.

En cheville avec de petites exploitations

La PME Chocolat Weiss (135 salariés) a également sauté le pas, il y a une quinzaine d’années, pour privilégier de petites exploitations responsables et traçables. Souvent en partenariat avec des structures locales, comme au Vietnam ou en République dominicaine. Objectif affiché d’ici à 2025 : 100 % de fèves tracées jusqu’à la coopérative et 70 % jusqu’au producteur.

Plantation en Colombie ou transport à la voile

Les artisans chocolatiers s’engagent aussi, à l’instar de Thierry Mulhaupt, en Alsace, qui a engagé sa petite entreprise dans une démarche durable. Cela passe non seulement par un sourcing rigoureux, mais aussi par un projet d’agroforesterie en Colombie, baptisé « Cacao for Good ». Soit l’acquisition en 2019 d’une plantation de 30 hectares de bananiers plantains sous lesquels quelque 700 cacaoyers ont commencé à pousser. « À terme, nous devrions récolter de 5 à 5,5 tonnes par an, prévoit le maître chocolatier. Cultivées en harmonie avec la nature et la population locale. »

Il fallait oser… Aller chercher le cacao sous d’autres tropiques en voilier-cargo pour limiter les émissions de CO₂. Grain de Sail, installé à Morlaix, le fait. Et son organisation est vertueuse : la vente de ses chocolats de qualité (tablettes à partir de 3,30 €) a contribué à financer la construction de deux bateaux (le second a été mis à l’eau en mars 2024).

De la fève à la tablette

Moins d’une cinquantaine de chocolatiers en France fabriquent directement depuis les fèves.

C’est le cas de la maison Bonnat. Depuis les années 1980, ce maître chocolatier de Voiron (Isère) s’est engagé dans un processus de fabrication complète. Pionnier de la démarche, il a acquis ses propres exploitations et se concentre sur la préservation de la biodiversité des variétés de cacao. Il travaille avec des partenaires locaux pour soutenir des pratiques agricoles durables.

Producteur de chocolat artisanal depuis 1948, Michel Cluizel transforme aussi les fèves dans ses propres ateliers. Il passe des contrats équitables avec des cultivateurs spécifiques, visant à promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement.

Le célèbre chef multi-étoilé Alain Ducasse a aussi opté, il y a dix ans, pour une approche de production artisanale, « de la fève à la tablette ». Vendu en ligne et dans 25 boutiques en France, son chocolat est produit dans sa Manufacture à Paris. L’équipe de son chef chocolatier torréfie, broie et transforme les graines. Elles sont sélectionnées par ses sourciers suivant un cahier des charges rigoureux pour ce qui est des conditions de travail des cacaoculteurs et de la protection de l’environnement.

On peut encore citer Ethiquable, une coopérative qui a ouvert en 2020 une chocolaterie dans le Gers, construite pour réduire l’empreinte carbone et relocaliser la production en France. Mais aussi La Baleine à Cabosse à Marseille, Hasnaâ à Bordeaux, 20° Nord 20° Sud à Challans, Ara Chocolat à Paris, Diggers à Lyon, Criollos à La Rochelle, ou encore Monsieur Txokola à Bayonne.

L’union fait la force de l’engagement

Créé par la Confédération des chocolatiers et confiseurs de France (CCCF), le Club « Chocolatiers engagés » regroupe artisans et producteurs qui revendiquent de transformer la filière cacao en modèle durable.

Rattaché au mouvement mondial « 1% for the Planet », le chocolatier Valrhona reverse 1 % du chiffre d’affaires annuel de ses collections « Pure Origine » et « Printemps 2024 » à des associations engagées sur des enjeux environnementaux : culture durable du cacao, agroforesterie, reforestation, conditions de vie des producteurs.

Le prix du (bon) chocolat

Tout dépend bien sûr des ingrédients (fèves de cacao, fruits, grains de café…) qui contribuent à créer des bouchées ou chocolats uniques. Le prix oscille en moyenne entre 10 et 15 € le kg. Chez les chocolatiers les plus réputés, il est souvent d’au moins 60 € le kg et peut aller jusqu’à 200 € !

Concernant le chocolat spécifiquement bio, il est issu de cultures et techniques non intensives qui demandent plus de temps pour produire la matière première. Les rendements sont moins élevés que pour l’agriculture intensive. S’y ajoutent les coûts de contrôle et de la certification. En toute logique, il est un peu plus cher.